Je ne compte plus le nombre de fois où l’on m’a posé la question : « Stéphane, j’ai les genoux qui craquent, est-ce que ça signifie que j’ai de l’arthrose ? » Comme beaucoup de mes confrères, la réponse ? fondée sur l’expérience clinique ? était souvent que les bruits articulaires étaient normaux et qu’ils n’étaient pas nécessairement corrélés à la dégradation de l’articulation.
Cette réponse de Normand, qui trahit un peu mes origines familiales, méritait que la question soit approfondie et que la science s’exprime une fois pour toutes sur ce sujet pas si anodin qu’il n’y paraît. Des chercheurs australiens de l’université La Trobe (Melbourne) se sont penchés sur le sujet et ont publié début janvier les résultats d’une méta-analyse dans la revue British Journal of Sports Medicine.
Le craquement du genou, encore appelé crépitement, est un bruit audible de grincement qui se manifeste au mouvement. Il est très fréquent et suscite de l’inquiétude quant à la présence d’une pathologie associée, l’arthrose le plus souvent.
Certaines études considèrent qu’il est bénin tandis que d’autres le voient comme un signe avant-coureur d’arthrose. Il ne concerne pas uniquement les personnes souffrant du genou, ce qui par un biais de confirmation laisse penser, si l’on est optimiste, qu’il n’est pas nécessairement associé à une pathologie dégénérative du genou.
Les auteurs de l’étude relèvent que le craquement des genoux peut parfois exercer une influence négative chez certaines personnes, qui montrent moins d’engagement dans leurs activités physiques ou professionnelles de peur d’aggraver un phénomène qu’elles comprennent mal.
Presque la moitié de la population a les genoux qui craquent
Les chercheurs, afin de lever le voile sur ce mystère qui inquiète tant, ont mené une revue systématique et une méta-analyse recouvrant 103 études et 36 439 participants. Dans la majorité des études, le craquement du genou a été évalué cliniquement lors d’examens articulaires. Que retenir de ces études ? D’abord, que presque la moitié de la population générale (41 %) serait sujette aux bruits articulaires dans les genoux. Parmi eux, 81 % souffraient d’arthrose et 36 % n’avaient aucune lésion.
On retrouve aussi ces craquements articulaires chez des personnes souffrant d’autres pathologies du genou ? entre 35 % et 61 % de la cohorte ?
telles que les lésions ligamentaires et/ou encore les syndromes fémoro-patellaires sans signes radiologiques associés, et qui se manifestent par des douleurs antérieures du genou.
Enfin, les chercheurs affirment que la présence de craquements articulaires est associée à une probabilité plus de trois fois supérieure de diagnostic radiologique d’arthrose, se traduisant par la présence d’ostéophytes (excroissances osseuses) et de lésions cartilagineuses. Rappelons toutefois que la clinique est souvent discordante de l’imagerie et que les signes radiologiques de l’arthrose peuvent ne pas se traduire par des manifestations douloureuses.
Que retenir de cette méta-analyse ? D’abord que le phénomène de craquement articulaire est courant, commun, et qu’il n’est pas systématiquement associé à l’usure de l’articulation. Il touche près de la moitié de la population générale et est présent chez plus d’un tiers de personnes sans antécédents au genou.
Néanmoins, il est le plus prévalent chez les personnes souffrant d’arthrose du genou, dans 81 % des cas, mais n’est pas nécessairement accompagné par des douleurs articulaires, l’arthrose évoluant par crises intermittentes. Le craquement est un signe commun qui ne doit pas indubitablement être une source d’inquiétude majeure, même s’il est parfois associé à des pathologies structurelles. Il ne doit donc pas être interprété comme un signe de pathologie grave.