En moins de deux ans, il a déjà parcouru 650.000 kilomètres, soit l’équivalent de 15 tours du monde, assis à bord de trains pendant plus de 6.700 heures. « Pouvoir décider chaque jour où je veux aller, c’est simplement merveilleux, c’est la liberté », affirme Lasse Stolley, lors d’un entretien avec l’Agence France-Presse (AFP) dans un café de la gare de Francfort. Avec un sac à dos de 30 litres pour seul bagage, le jeune homme roux longiligne se contente de peu, sa plus grosse dépense (5 888 €) étant la carte 100 % réduction de première classe des chemins de fer allemands, Deutsche Bahn.
Grâce à cet abonnement, il a libre accès aux salons première classe dans les gares, où il peut prendre ses repas gratuitement et y laver ses vêtements dans les lavabos qu’il fait ensuite sécher dans les trains de nuit. Il se brosse les dents et se lave au lavabo également dans ces salons. Pour se doucher en revanche, il se rend dans les piscines à proximité des gares. Il a pris l’habitude de dormir sur les sièges de première classe qu’il trouve si confortables qu’il peine désormais à trouver le sommeil dans un lit normal : « Le balancement du train me manque », explique-t-il.
Après avoir quitté l’école, il a trouvé un emploi à temps partiel de développeur indépendant pour une petite start-up, qui lui permet de travailler dans le train. « J’aime le fait de pouvoir simplement regarder par la fenêtre, voir le paysage défiler rapidement… et explorer chaque coin de l’Allemagne », raconte-t-il.
L’âme sœur à la gare
Pourtant, rien ne le prédestinait à cette vie de nomade. Enfant, il s’intéressait peu aux chemins de fer, n’a jamais possédé de train électrique et avait seulement pris deux fois le train à grande vitesse allemand, l’ICE, avant de décider de vivre en permanence sur les rails.
Après avoir terminé le lycée, il comptait faire un apprentissage en programmation. Ce dernier ayant été annulé, il a cherché ce qu’il pouvait faire et est tombé par hasard sur un documentaire montrant quelqu’un qui vivait dans les trains. « J’ai pensé que je pouvais faire pareil », se souvient-il. Ses parents ont au départ tenté de le dissuader. Mais, réalisant qu’il était déterminé à poursuivre son projet coûte que coûte, ils ont finalement décidé de le soutenir.
Pour son premier trajet, il est parti de Fockbeck, une petite ville du nord de l’Allemagne dont il est originaire, située non loin de la frontière danoise, pour rallier Hambourg d’où il a pris un train de nuit à destination de Munich (sud). Les premiers jours étaient difficiles, il avait du mal à s’endormir dans les trains et retournait fréquemment chez ses parents. Depuis, il s’est habitué. Il a même trouvé l’âme sœur dans un salon première classe de la gare de Cologne.
Malgré les retards et problèmes, il n’est pas lassé
La vie sur le réseau ferroviaire allemand, souvent critiqué pour son piteux état après des années de sous-investissement, n’est pas toujours simple. « Les retards et autres problèmes sont quotidiens », reconnaît Lasse Stolley. Interrogé par l’AFP sur ce voyageur singulier, Deutsche Bahn n’a pas souhaité faire de commentaire.
Pendant une grande partie de l’année 2023 et au début de l’année 2024, le personnel des chemins de fer a fait souvent la grève pour obtenir de meilleurs salaires et conditions de travail. Ces débrayages ont paralysé le réseau et obligé Lasse Stolley à dormir… dans les aéroports. Il n’est pourtant pas lassé.
Quand on lui demande combien de temps il veut encore poursuivre cette vie itinérante, il répond : « Cela pourrait être un an, cela pourrait être cinq ». Et d’ajouter : « Pour le moment, je m’amuse bien et je découvre chaque jour de nouvelles choses ».